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PAC 2023-2027 et prise en compte des enjeux environnementaux

Retour sur les Carrefours de l'Innovation Agronomique

Visuel de l'évènement

L'Institut Agro Rennes-Angers a accueilli le 4 mai sur son campus de Rennes, une édition des Carrefours de l'Innovation Agronomique (CIAG) avec pour thématique "La PAC 2023-2027 : levier de transformation de l’agriculture française ou rendez-vous manqué face aux défis climatique et environnemental ?".

Cette journée a rassemblé plus de 100 personnes composées, d’enseignants-chercheurs, d’étudiants, d’ingénieurs et de partenaires.

Initiés par INRAE en 2007 et organisés désormais par l'Alliance Agreenium, les Carrefours de l’Innovation Agronomique mettent en lumière les travaux de recherche récents menés sur l’ensemble des thématiques de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement. Ils permettent ainsi aux chercheurs et acteurs du développement de partager des réflexions et d'accompagner les mutations socio-économiques ainsi que les transitions nécessaires dans les filières et les territoires.

Retour en vidéo sur la journée

Le Plan National Stratégique, une reforme majeure de la PAC 2023 pour les États Membres

La réforme de la PAC 2023 introduit une plus grande subsidiarité des États Membres : en utilisant les outils et le budget fourni par la Commission, chaque État Membre a dû construire son Plan stratégique national (PSN) en lien avec ses priorités nationales, mais en engageant leur État dans la contribution aux objectifs européens. Les choix opérés dans chaque État Membre pour l’utilisation du budget de la PAC sont le fruit d’un arbitrage qui suscite le débat selon les positionnements idéologiques et intérêts des parties prenantes. 

Entre maintien des paiements de soutien et ambition environnementale renforcée pour la France

En raison de la dépendance du revenu agricole aux aides de la PAC, le PSN français présente le maintien des paiements de soutien au revenu comme la priorité, tout en affichant une ambition environnementale renforcée  pour la réduction de la fertilisation, de l’usage des pesticides, des émissions de GES, le développement de l’agriculture biologique.
Budgétairement, le niveau d’ambition environnemental de la PAC 2023-2027 dépend étroitement des conditions d’accès des exploitations agricoles à une nouvelle aide appelée "écorégime". Or, Dans une logique de « massifier » une politique de « petits pas » vers un meilleur respect de l’environnement, les différentes voies d’accès à l’écorégime le rendent très inclusif, affaiblissant l’effet d’incitation à la transition agroécologique des exploitations.

Un compromis qui pose la question de l'atteinte des objectifs environnementaux

Priorisé sur la sécurisation du revenu des agriculteurs en place, le compromis français amène à douter de la contribution du budget de la PAC à atteindre les objectifs du Pacte Vert dans le secteur agricole.  

Ce constat s’explique d’abord parce que les objectifs environnementaux et climatiques de la PAC s’ajoutent à bien d’autres : revenus agricoles équitables, compétitivité du secteur, partage de la valeur au long de la chaine alimentaire, connaissance et innovation, renouvellement générationnel, santé et sécurité alimentaire, développement des zones rurales.
Ensuite les enjeux économiques, sociaux, environnementaux et climatiques du secteur dépassent le cadre de la seule PAC : les agriculteurs sont soumis à des réglementations contraignantes (sur l’eau, l’usage des pesticides etc.) qui sont traités en dehors de la PAC.
Deux enjeux essentiels ressortent dans ce contexte : les règles du jeu en la matière doivent être respectées de la même façon par les agriculteurs de tous les États Membres dès lors qu’ils sont en concurrence sur le marché unique européen ; et la valeur générée par les services environnementaux et climatiques de l’agriculture ne doivent pas échapper pas aux acteurs du secteur.
Enfin, il apparait que nombre d’acteurs des filières agricoles s’organisent, sans attendre d’incitation de la PAC, pour expérimenter des pratiques innovantes et inspirantes en matières environnementales et climatiques, en recherchant les marchés rémunérant les services rendus par l’agriculture à la société. 

Les pistes de réflexion pour imaginer une future PAC qui contribuerait davantage aux objectifs du Green Deal

Pour commencer à imaginer une future PAC qui contribuerait davantage aux objectifs du Green Deal, les échanges de cette journée ont permis d’identifier 4 points de réflexion :

  1. Du point de vue de l’acceptabilité politique, la PAC et le PSN étant le fruit de compromis, une refonte totale de l’architecture historique des soutiens peut difficilement s’entendre sans compensation des perdants.  
  2. Pour des agriculteurs installés qui ont investi lourdement dans un système rémunérateur bien inséré dans sa filière, et dans un contexte d’incertitude des marchés et des aléas climatiques, il est difficile d’envisager d’en sortir pour aller vers de nouveaux systèmes agro écologiques plus complexes et plus risqués, sans une sécurisation voire une prise en charge des coûts inhérents au changement de système. 
  3. Le renouvellement générationnel pourrait à ce titre constituer une formidable opportunité à saisir, pour imaginer une politique de soutien des installations, de la formation des candidats à l’accompagnement financière du projet, et dans la diversité des modèles et des innovations structurelles de production agricole, conditionné à la cohérence du projet avec les exigences du Pacte Vert et l’évolution des filières du territoire investi.
  4. Même si l’évolution de la PAC impacte nécessairement sur les consommateurs et les citoyens non agriculteurs du fait de son influence sur l’évolution de l’offre de bien alimentaires, la PAC reste une politique agricole et n’est pas pensée comme une politique alimentaire ; elle n’adresse aucun signal clair aux consommateurs. Or la transition vers de nouveaux systèmes agroécologiques et alimentaires impose une modification profonde des modes de consommation, comme l’illustre les controverses sur la place de l’élevage et donc de la viande dans les régimes alimentaires. Que ce soit dans la future PAC ou en dehors de la PAC, l’accompagnement des régimes alimentaires durables et respectueux du choix des populations en termes de souveraineté alimentaire à différentes échelles mérite d’être traité par les politiques publiques.
Publié le : 16/05/2023