Soutenance de thèse d'Elise Charton
Amphi Moule, campus de Rennes
Lait humain vs. Préparations pour Nourrissons : digestibilité des protéines et impact sur l'axe microbiote-intestin-cerveau
Thèse dirigée par Amélie Deglaire, UMR Science et technologie du lait et de l'œuf (STLO)
Spécialité : Sciences de l'aliment
Résumé
Une majorité de nourrissons reçoivent encore aujourd’hui des préparations pour nourrissons (PPN), fabriquées à base de lait bovin et soumises à de nombreux traitements technologiques. Ces substituts ont pour but de mimer au mieux le lait humain (LH). Cependant, malgré l’évolution des PPNs, des différences persistent entre le LH et les PPNs en termes de composition et structure, et effets sur le développement et la santé à court et long termes du nourrisson et adulte en devenir. L’objectif de ce travail était de comprendre comment la nature de l’alimentation infantile, LH vs. PPN, modulait la digestibilité protéique et, plus globalement, comment elle influençait l’axe microbiote intestin-cerveau. Deux modèles du nourrisson humain ont été utilisés et comparés, le mini-porc Yucatan entre 16 et 21 jours de vie, et un modèle de digestion in vitro dynamique paramétré pour mimer le nourrisson à terme. Les contenus digestifs et tissus ont ensuite été analysés via des approches métagénomique (microbiote), histologique et de perméabilité ex vivo (physiologie intestinale), d’expression génique et de métabolomique ciblée (intestin, cerveau et plasma).
Les résultats ont montré que la digestibilité de l’azote total et dans une moindre mesure, celle de certains acides aminés (Lys, Phe, Thr, Val, Ala, Pro et Ser) différaient entre LH et PPN.
Les deux modèles de digestion (in vivo et in vitro) étudiés ont conduit à des résultats similaires en termes de déstructuration des aliments et du taux de protéines intactes résiduelles en phase gastrique. Le modèle de digestion in vitro dynamique utilisé ici est donc un bon outil de prédiction de la digestion in vivo. L’axe microbiote-intestin-cerveau et notamment la composition du microbiote, ainsi que le métabolisme du tryptophane, malgré une digestibilité similaire entre aliments, étaient modulés différemment par le LH et la PPN. L’augmentation de la perméabilité intestinale, bien que modérée, était associée à un renforcement du système immunitaire mucosal avec le LH. Ces modifications sont associées à des changements d’expression génique (fonctions barrière et endocrine, récepteurs aux AGV) aux niveaux hypothalamique et striatal, et de profils métaboliques principalement aux niveaux hippocampique et plasmatique. Certains composants présents dans le LH (ex.: oligosaccharides, azote non protéique tel que l’urée, consortium bactérien) et absent dans la PPN peuvent expliquer ces résultats. La supplémentation des PPNs en ces composants bioactifs et/ou la modulation de la fraction protéique pourraient être des leviers pour l’optimisation des PPNs.
Mots clés : Lait Humain, préparation pour nourrisson, digestibilité, tryptophane, axe microbiote-intestin-cerveau
Abstract
Nowadays, a high rate of infants is still being fed infant formulas (IF) based on cow milk and subjected to several technological treatments. These substitutes aim to mimic as close as possible the human milk (HM). Despite of IF improvement, differences still exist between HM and IF in terms of composition and structure, and effects on health in infancy, and later on in adulthood. The objective of this work was to understand how the infant food modulated the dietary nitrogen digestibility and, in overall, how it shaped the microbiota-gut-brain axis. Two infant models were used and compared, the 16 to 21-day-old mini-piglet Yucatan and an in vitro dynamic digestion model parametered with term infant digestive conditions.
Digestive contents and tissues were then analyzed using metagenomic (microbiota), histological and ex vivo permeability (intestinal physiology) approaches, gene expression and targeted-metabolomic approaches (intestine, brain and plasma).
The results showed that the digestibility of nitrogen and at least extent, that of a few amino acids (Lys, Phe, Thr, Val, Ala, Pro and Ser) were different between HM and IF.
The two digestion models (in vivo and in vitro) led to similar observations in terms of meal deconstruction and proteolysis, showing that the in vitro dynamic digestion model is a good proxy of the in vivo digestion regarding digestion kinetics. The microbiota-gut-brain axis, notably regarding the colonic microbial composition and the tryptophan metabolism, which digestibility was similar between infant foods, were differently modulated by HM and IF. The increase of the intestinal permeability, though moderately, was associated with a boost of the intestinal immune system and changes in gene expression (barrier and endocrine functions, volatile fatty acids receptors) at hypothalamic and striatal levels and with changes in hippocampal and plasma metabolomic profiles. Some components present in HM (e.g.: oligosaccharides, non-protein nitrogen such as urea, bacteria consortia) and absent in IF can explain the discrepancies observed. IF-supplementation with these bioactive components and/or with the modulation of the protein profile would be of interest for further investigation.
Keywords: Human milk, Infant formula, digestibility, tryptophan, microbiota-gut-brain axis