Qui sont les jeunes agriculteurs Bac+5 ?
Une étude de l’Institut Agro Rennes-Angers éclaire leurs parcours et motivations
Face aux défis du renouvellement des générations agricoles, une équipe de chercheurs de l’Institut Agro Rennes-Angers a mené une enquête inédite sur un profil encore peu documenté : les jeunes agriculteurs titulaires d’un diplôme Bac+5 ou plus.
Réalisée auprès de 41 agriculteurs installés depuis moins de 10 ans, cette étude met en lumière une nouvelle génération d’exploitants agricoles, aux trajectoires variées et engagées.
Une génération diplômée, en reconversion pour beaucoup
Âgés en moyenne de 34 ans, ces jeunes agriculteurs ont souvent exercé une autre activité professionnelle – généralement dans le secteur agricole – avant de s’installer. En moyenne, ils ont travaillé 5 ans avant leur installation. Plus de la moitié (54 %) ont suivi des formations complémentaires (BPREA, certificats de spécialisation, stages pratiques).
Si 63 % d’entre eux envisageaient déjà une installation agricole pendant leurs études, ils portent un regard ambivalent sur leur formation initiale. Beaucoup saluent les apports en gestion de projet et en ouverture d’esprit, mais regrettent un manque de préparation technique et organisationnelle au métier d’exploitant. Un tiers souhaiterait un cursus spécifiquement dédié à l’installation.
Des projets ancrés dans des valeurs fortes
63 % des répondants s’installent en collectif, et 59 % hors cadre familial – un chiffre qui traduit une véritable dynamique de renouvellement. L’agriculture qu’ils défendent est souvent porteuse de sens : 80 % développent des activités labellisées (agriculture biologique, vente directe…), dans une logique de cohérence entre leur parcours, leurs convictions écologiques et leurs choix de production.
Quatre grands profils types
L’analyse croisée de leurs motivations et modalités d’installation fait émerger 4 profils :
- Les engagés pour l’environnement : installation collective, hors cadre familial, circuits courts, races locales, diversification. Le projet s’aligne avec des valeurs écologiques fortes.
- Les proches de la nature : fort attachement au vivant, souvent en élevage, organisation du travail permettant une certaine délégation. Installation en collectif familial, parfois avec salariat.
- Les héritiers en quête de sens : reconversion ou poursuite du projet familial, avec une volonté de transformation (bio, communication, sensibilisation…). Installation individuelle.
- Les entrepreneurs techniques : profils innovants, portés sur la performance et l’organisation. Création ex nihilo, recours au salariat, robotisation, mécanisation, mais aussi forte charge mentale.
Des obstacles partagés, malgré l’enthousiasme
Leur engagement se heurte à des freins bien identifiés :
- Des horaires très longs (56 % travaillent plus de 50 h/semaine, jusqu’à 60 h en élevage),
- Une forte pénibilité physique (70 %) et une préoccupation importante vis-à-vis des troubles musculo-squelettiques (68 %),
- Des tensions relationnelles avec associés ou voisins,
- Des doutes sur la viabilité financière, notamment pour les projets très technicisés.
Pour améliorer leur équilibre de vie, ils sont nombreux à mobiliser des leviers : salariat ou entraide (46 %), mécanisation (37 %), robotisation (27 %). Mais les congés restent rares : en moyenne, entre 8 et 15 jours par an, rarement plus. 37 % recourent à un service de remplacement.
Des revenus modestes mais satisfaisants
Malgré ces difficultés, 97 % se disent satisfaits de leur situation financière au regard de leurs objectifs personnels. Les revenus sont toutefois contenus : 27 % gagnent entre 1 et 1,5 SMIC net, 32 % entre 1,5 et 2 SMIC, et 30 % moins que le SMIC. Le salaire moyen atteint 1 944 € net par mois.
Quelle vision de l’avenir ?
Leur regard sur l’avenir de l’agriculture reste partagé. 30 % se disent “mitigés”, 27 % plutôt confiants, mais 29 % expriment un pessimisme marqué, notamment vis-à-vis des politiques publiques. Seuls 12 % témoignent d’une confiance forte dans l’avenir du métier.