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Soutenance de thèse de Youness Hrour

Rabat et Visioconférence

Évaluation de l'impact du changement climatique sur la disponibilité des ressources en eau dans un bassin

Thèse dirigée par Zahra Thomas, Professeure à l'Institut Agro Rennes-Angers, UMR Sol Agro Hydrosystème Spatialisation (SAS)

La soutenance a lieu à Rabat (à 10h, heure française) et est accessible en visioconférence sur Zoom.
ID de réunion: 938 5804 1918
Code secret: 7These@IAV

Résumé 

L'évaluation de l'impact du changement climatique sur les ressources en eau et les systèmes agricoles qui leur sont associés est une préoccupation majeure des sociétés, en particulier dans les pays arides et semi-arides comme le Maroc. La présente thèse a pour objectif d’évaluer l’impact du changement climatique sur les ressources en eau dans un bassin versant méditerranéen où la pression sur les ressources en eau, due au développement hydro-agricole intensif, est en forte croissance depuis une cinquantaine d’années. Il s’agit du bassin versant du Bas-Loukkos (Maroc). 

La thèse est structurée autour de deux parties principales. La première a permis de réaliser une analyse rétrospective pour caractériser les tendances et ruptures des variables hydro-climatiques (précipitations et débits) dans le bassin versant du Bas-Loukkos. Pour cela, une approche statistique a été déployée afin d’analyser les tendances et détecter les ruptures dans les séries chronologiques de dix stations pluviométriques et cinq stations limnimétriques sur la période 1960-2018. En outre, la régression simple et des analyses de corrélation ont été utilisées pour caractériser l'évolution de la relation pluie-débit dans cinq sous-bassins versants du Bas-Loukkos. L'analyse des indices pluviométriques (SPI) combinée aux tests statistiques a indiqué une tendance à la baisse des précipitations de l'ordre de 3,2 mm/an, depuis les années 1970. Une rupture significative pour toutes les stations a été détectée au début des années 1970, avec une baisse de la pluviométrie annuelle moyenne de l'ordre de 16% à 26% après la date de rupture. Les séries chronologiques de débit ont montré une baisse d'environ 35 % depuis la fin des années 1970 et le début des années 1980. La diminution des débits est bien plus importante que celle des précipitations. Cependant, elle n'a été significative que pour les deux sous-bassins influencés par le barrage. L’analyse de la relation pluie-débit a montré une stationnarité du régime hydrologique dans les trois sous-bassins versants considérés comme naturels. Pour les deux autres sous-bassins versants, notre analyse a montré de nombreux changements et ruptures dans la relation pluie-débit, indiquant un effet combiné des activités humaines (barrages et agriculture irriguée) et du changement climatique, sur le régime hydrologique depuis les années 1970. 

La deuxième partie de la thèse visait à évaluer l'évolution future des ressources en eau dans le contexte du changement climatique. Dans un premier temps, nous avons évalué la performance de deux modèles hydrologiques de formalisme distinct, sur la période de simulation de 1981 à 2008. Il s’agit du modèle semi-distribué SWAT et du modèle conceptuel à réservoirs GR2M qui ont été largement utilisés en contexte de changement climatique. Nous avons donc testé la capacité de ces deux modèles hydrologiques à simuler les débits dans le bassin versant du Bas-Loukkos. Nos résultats indiquent une mauvaise performance du modèle SWAT dans la simulation des débits. En effet, le NSE n’a pas dépassé 0,57 pour l’ensemble des sous bassins versants étudiés. Le manque de données pour la construction du modèle, en particulier de données climatiques journalières, mais également de données spatialisées (type de sol, occupation du sol, modèle numérique de terrain de bonne qualité) rendent l’utilisation du modèle SWAT dans un cadre prospectif sur le bassin du Bas-Loukkos difficile. Le modèle GR2M, quant à lui, montre une bonne performance en calibration et en validation pour simuler les débits avec un coefficient de Nash moyen de 0,88 pour tous les sous-bassins versants. Par conséquence, le modèle GR2M a été choisi pour simuler les débits en utilisant comme données d’entrée les sorties des modèles climatiques (précipitations, températures). 

Inévitablement, la modélisation hydro-climatique est sujette à de nombreuses sources d’incertitudes liées aux hypothèses des scénarios d'émissions de gaz à effet de serre, aux biais des simulations climatiques issues de modèles globaux ou régionaux appliqués à l’échelle locale du bassin versant. D’autres incertitudes sont liées au paramétrage du modèle hydrologique. La prise en compte de toutes les sources d’incertitudes est importante, notamment pour les gestionnaires de l'eau qui doivent élaborer les stratégies de gestion. Les simulations produites génèrent une abondance de résultats de projections qui nécessitent un cadre méthodologique d'analyse simple et efficace. Dans la présente thèse, les incertitudes ont été quantifiées en utilisant les sorties de 13 modèles climatiques issus d’une combinaison de 5 RCM et 4 GCM et deux scénarios d'émissions de gaz à effets de serre (RCP4.5 et RCP8.5). Tout d'abord, une analyse des données climatiques (précipitations et températures) sur la période historique (1981-2005) a permis de débiaiser les sorties brutes des modèles climatiques. La modélisation hydrologique a ensuite été effectuée en utilisant les données biaisées et débiaisées comme données d’entrée dans le modèle hydrologique GR2M. L'évapotranspiration potentielle (ETP) a été calculée à l'aide de la méthode Thornthwaite sur la base des températures issues des projections climatiques. Les précipitations et ETP ainsi que les débits simulés par GR2M ont été analysées pour trois horizons temporels : court terme [2021-2040], moyen terme [2041-2060] et long terme [2081-2100]. Enfin, le diagramme de Budyko a été utilisé pour analyser de manière synthétique les résultats des simulations et leur combinaison à deux scénarios de prélèvement d'eau. Le diagramme de Budyko permet de représenter la relation entre l'indice d'évaporation (rapport entre l'évapotranspiration réelle (ETR) et P) et l'indice d'aridité (rapport entre PET et P). L'ETR moyenne annuelle a été calculée en supposant qu'à long terme, la variation du stock d'eau dans le bassin versant est nulle. Les débits utilisés proviennent des simulations hydro-climatiques pour les scénarios RCP4.5 et RCP8.5. Les résultats obtenus montrent qu'à long terme les précipitations et le débit diminueront respectivement d'environ 21 à 38 % et d'environ 50 à 71 % par rapport à la période de référence (1981-2005). Le diagramme de Budyko indique que la limite d'eau du bassin versant sera atteinte, ce qui rendra difficile la satisfaction de la demande en eau à l'avenir, en particulier à moyen et à long terme. Cela souligne la priorité de développer des stratégies d'adaptation qui intègrent tous les aspects pour promouvoir l'émergence d'une gestion intégrée et durable pour concilier les différents usages de l’eau. Ce travail de thèse a permis de mettre en lumière les impacts actuels et futurs du changement climatique sur les ressources en eau dans le bassin du Bas-Loukkos. Cependant, de futures études socio-hydrologiques seraient utiles pour prendre en compte les rétroactions dynamiques entre le cycle de l'eau et les sociétés humaines dans le contexte du changement climatique.

Mot clés : Changement climatique, ressource en eau, bassin versant du Bas-Loukkos, climat méditerranéen, variabilité hydro-climatique, tendance, rupture, Euro-Cordex, projections climatiques, modélisation hydrologique, incertitude, diagramme de Budyko.